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Centre d'Expérimentation Atomique

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Comment un site d'expérimentation nucléaire a pu être installé à Pontfaverger-Moronvilliers       (22 km de Reims) ?

 

C'est en 1957, que le Commissariat à l'énergie atomique décide de chercher un terrain en toute discrétion, dans une zone militaire, aux environs de 150 km de Paris, avec un profil topographique accidenté pour pouvoir faire des explosions sans casser trop de carreaux dans les villages environnants et une densité  de population identique au Sahel. Le lieu est trouvé, ce sera le terrain militaire de Moronvilliers

On était en pleine guerre froide, pas question que l'Urss soit informée que la France effectue des recherches sur la bombe atomique et pourtant le problème majeur réside dans le début du fonctionnement de l'arme nucléaire. Il faut une "explosion" de qualité pour que tout s'enchaine.

Tous les moyens avaient été mis en œuvre : le CEA créa une société "fantôme" qui s'appela : société de technologie nouvelle.

Les ingénieurs et techniciens profitèrent des recherches pétrolières (sismiques) dans la vallée de la Suippe. Pour être crédibles, ils firent une formation chez un prospecteur pétrolier : Schlumberger. Ainsi le CEA pouvait faire ses explosions en toute discrétion. Ils couchaient à l'hôtel du « grand cerf » et la voiture avec les explosifs était en sécurité dans le garage Girard , bien sûr sans que le garagiste ne connaisse les risques encourus. Les vrais prospecteurs repartirent sans trouver de pétrole et les atomiques (comme on les nommait à l'époque) s'implantèrent au milieu du terrain militaire. Le centre prit le nom de Polygone d'expérimentation de Moronvilliers; ce nom ne veut rien dire et le village de Moronvillers a disparu depuis la première guerre mondiale, Il faut reconnaitre que la transparence nucléaire a toujours été opaque

 Les élus et les habitants jouxtant ce centre, ne se sont jamais beaucoup préoccupés des retombées sanitaires de ce site. Il est vrai que cela créait de l'emploi, relativement bien payé, même si le CEA n'a jamais versé un € dans les trésoreries des communes environnantes. Aucune information ne filtrait, le mensonge a été bien gardé pendant presque 50 ans. Et pourtant officiellement, c’est un site ou

 une installation d'expérimentation nucléaire. 

Classé 2° au monde par ses expérimentations en détonique, il volatilise au cours de ses explosions des matériaux tels que uranium, deutérium, tritium, béryllium, plutonium, hautement cancérigènes, radioactifs, chimiques dans l'air et dans les sols.

Comment la population pourrait être rassurée en sachant que l'Autorité de la Sécurité Nucléaire, la Dréal, la loi sur la Transparence de la Sécurité Nucléaire, les élus, la Commission Locale d'Information ne peuvent nous garantir de l'innocuité de ce centre vis à vis de notre santé et de celle des générations futures? Seule une expertise complète faite par la CRIirad (Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité) ou l'ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest) faite dans et autour du site pourrait lever toute suspicion vis à vis du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives). 

 

 

 

 

 

Publié le Mercredi 20 Avril 2016 à

 

Accueil (lunion.com)

 

Uranium : le site de Moronvilliers ne sera sans doute jamais dépollué

Frédéric Gouis

Des tonnes d’uranium, stigmates de 50 ans d’expérimentations, pourraient demeurer dans le sol du site de Moronvilliers (Marne, aux confins des Ardennes et de l’Aisne) alors que leur impact sur le milieu naturel demeure flou.

Le voile se lève doucement sur le PEM, le polygone d’expérimentation de Moronvilliers (dans la Marne, aux confins des Ardennes et de l’Aisne). Pour mettre en lumière des pratiques d’un autre temps qui semblent devoir perdurer.

Le 1 er   avril, lors d’une réunion d’information avec élus, représentants d’association et fonctionnaires, Pierre Bouchet, le directeur du CEA-DAM (Commissariat à l’énergie atomique, direction des applications militaires), a lâché quelques bombes. Qu’il a fallu se faire confirmer, ce rendez-vous n’étant pas public !

Les 500 hectares du PEM, désaffectés depuis 2014, au milieu d’un terrain militaire, ne seront, selon toute vraisemblance, jamais totalement dépollués. Une centaine de puits d’expérimentation, contenant 2,7 tonnes d’uranium, de plutonium et d’autres déchets, resteront pour l’éternité sur le site de Moronvilliers...

Rapport de la CRIIRAD suite à la réunion du 1er avril 2016 organisée par la préfecture

MORONVILLIERS

Rapport de la CRIIRAD via Bruno Chareyron

 

5 avril 2016

Impact du site CEA-DAM de Moronvilliers

Bilan préliminaire de la réunion d’information du 1er avril 2016

 

Contexte

Le PEM ou Polygone d’expérimentation de Moronvilliers est un site du CEA-DAM (Commissariat à l’Energie Atomique) d’environ 500 hectares installé en 1957 à 22 km au sud-est de Reims dans la

Marne, au cœur d’un terrain militaire.

A partir de 1958, le CEA y a effectué des essais dans le cadre de la mise au point des bombes nu

cléaires.

Il s’agissait en particulier d’essais de détonique consistant à faire exploser des engins comportant

des matières représentatives des constituants de la bombe, en particulier du béryllium et de l’uranium appauvri.

Lors des essais, diverses mesures étaient effectuées au moment des explosions, afin d’étudier le comportement de la matière. En particulier, des radiographies X étaient réalisées au moyen d’installations de pointe.

Une réunion préparatoire à la création d’une commission d’information pour le site CEA de Moronvilliers a eu lieu le 1er avril 2016 de 15H à 18H sur le site.

La municipalité de Pontfaverger-Moronvilliers a demandé à monsieur B. Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et directeur du laboratoire de la CRIIRAD, de participer à cette réunion, pour apporter un éclairage indépendant aux participants. La CRIIRAD était déjà intervenue en 2007

pour présenter les risques liés à l’uranium appauvri et partager, avec les habitants de la région,

les constats effectués sur l’ancien site CEA DAM de Vaujours 1, sur lequel ont eu lieu également des tirs mettant en jeu de l’uranium appauvri.

La présente note préliminaire, destinée à la municipalité de Pontfaverger-Moronvilliers a pour objet :

de faire un point des connaissances dont dispose la CRIIRAD sur l’impact environnemental passé, présent et futur du site de Moronvilliers, intégrant les informations nouvelles apportées lors de la réunion du 1er avril 2016 par monsieur Pierre Bouchet, directeur du CEA-DAM Ile de France.

de donner un point de vue critique sur les informations données par le CEA,

de lister un certain nombre de questionnements pour lesquels des réponses devront être apportées dans le futur. Ces points sont numérotés entre crochets [].

Le CEA n’a pas accepté de communiquer (en version papier ou numérique) la présentation qu’il a donnée, considérant qu’elle pourrait être mal interprétée par les medias hors contexte, il n’est donc pas possible d’incorporer dans la présente note les données complètes, cartes et graphiques présentés.

On notera à ce propos que l’équipe de France3 Champagne Ardenne, qui s’est présentée à l’entrée du site, n’a pas eu l’autorisation de participer à la réunion.

1

Voir le dossier :

http://www.criirad.org/vaujours/sommaire-vaujours.html

Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la radioactivité

29 cours Manuel de Falla / 26000 Valence/ France

33 (0)4 75 41 82 50

 

laboratoire@criirad.org

 

Nature des matières utilisées par le CEA à Moronvilliers : le béryllium

Le CEA a mis en œuvre en œuvre du béryllium qui est un élément à toxicité très élevée par inhalation. Il induit des atteintes pulmonaires et des lésions hépatiques et rénales.

Sous forme métallique, il est utilisé dans l’industrie nucléaire comme modérateur et réflecteur de neutrons et aussi comme source de neutrons par exemple en association avec l’américium 241.

[1] Il est nécessaire que le CEA transmette un descriptif des expériences réalisées à Moronvilliers et mettant en jeu du béryllium, avec les dates de ces expériences, leur nature, les lieux exacts, les quantités utilisées, la nature et le résultat des contrôles effectués sur l’air, les sols, les eaux de pluie, eaux de surfaces et souterraines, les végétaux et les personnes exposées à ces essais.

 

Nature des matières utilisées par le CEA à Moronvilliers : l’uranium appauvri

Depuis longtemps, divers experts et autorités ont cherché à banaliser la radiotoxicité de

l’uranium appauvri. En réunion, le CEA a d’ailleurs qualifié ces matières de «matériau inerte

» et à propos de la radioactivité des déchets issus des travaux d’assainissement du site, a indiqué

: «c’est quasiment rien». En réalité, l’uranium est un toxique chimique et présente une forte radiotoxicité par inhalation.

Pour plus de précisions sur les risques liés à l’uranium appauvri, on peut se reporter à l’article

2 : «Uranium appauvri : la banalisation d’un déchet radioactif toxique» rédigé par la CRIIRAD en 2001. Une actualisation des connaissances serait utile mais nous reproduisons ci-dessous, à défaut, des extraits de cet article :

Les poussières d’uranium les plus fines générées par les tirs ne sont pas arrêtées au niveau de

l’appareil respiratoire supérieur et ont la capacité de se fixer dans les poumons. Les organes les plus exposés sont ceux où l’uranium va se fixer en plus grande quantité et où il restera le plus longtemps. Les modèles dosimétriques établis au niveau international indiquent qu’en cas d’inhalation d’oxydes d’uranium, les organes les plus irradiés sont les poumons, les ganglions lymphatiques, les reins et les os. Une partie de l’uranium appauvri est immédiatement

exhalée (de 18 à 25% selon les modèles), le reste se dépose dans l’appareil respiratoire, majoritairement dans le compartiment extrathoracique, et pour partie dans les bronches et les poumons. La fraction déposée va être plus ou moins rapidement éliminée de l’appareil respiratoire sous l’action des cils vibratiles (qui remontent le mucus vers le pharynx où il est dégluti et presque entièrement éliminé avec les fécès) et des macrophages alvéolaires (cellules spécialisées qui phagocytent les corps étrangers et favorisent leur transfert vers le pharynx ou

les ganglions lymphatiques).

La fraction solubilisée est transférée au sang. De là, l’uranium est pour partie (40 à 60 %)

éliminé avec les urines (élimination rapide), le reste est réparti dans les organes de dépôt, principalement les reins (20 à 30 %) et le squelette (15 à 30 % avec un temps de fixation très long).

Sur le plan radiologique, les risques sanitaires associés à une contamination par l’uranium appauvri sont les cancers du poumon, des reins et des os (du fait de l’irradiation des surfaces osseuses). D’autres organes sont concernés, bien qu’à un niveau moindre (foie, moelle osseuse, muscles, cerveau, etc.). L’uranium n’est pas arrêté par la barrière hémato-méningée qui permet d’arrêter un grand nombre de produits toxiques. Et l’uranium se fixe de façon hétérogène dans

le cerveau et le cervelet. Une étude a montré une corrélation entre les résultats de tests cognitifs et le taux d’uranium appauvri dans les urines des sujets étudiés. L’uranium se retrouve également

dans les gonades (spermatozoïdes, ovaires) d’où le risque de transmission d’anomalies génétiques à la descendance. Contrairement à l’uranium naturellement présent dans l’écorce terrestre dont l’activité est, en moyenne dans les sols, de l’ordre de 40 Bq/kg, l’uranium appauvri est un uranium très concentré dont l’activité dépasse 10 millions de becquerels par kilogramme

pour le seul uranium 238. Etant accompagné de ses premiers descendants, son activité totale est de l’ordre de 50 millions de becquerels par kilogramme. Il a été précisé en outre par le CEA, en réunion, que cet uranium appauvri était de «l’uranium appauvri issu du retraitement» c’est à dire de l’uranium issu de combustibles nucléaires après leur passage dans un réacteur nucléaire.

Le CEA n’a pas précisé par contre l’origine exacte de cet uranium.

 

«Uranium appauvri

: la banalisation d’un déchet radioactif toxique », Corinne Castanier et Bruno Chareyron, publié

dans l’ouvrage «Les armes à l’uranium appauvri, jalons pour une interdiction», GRIP, 2001.

 

Outre les isotopes présents dans l’uranium naturel (uranium 234, 235, 238), l’uranium de retraitement peut contenir des isotopes artificiels de l’uranium (uranium 232, 233, 236, 237) et d’autres substances très radiotoxiques créées au sein des réacteurs nucléaires, comme du plutonium et d’autres transuraniens (neptunium, américium, etc.) ainsi que des produits de fission comme le ruthénium 106 ou le technétium 99, etc.

Le CEA a reconnu en réunion que l’uranium appauvri utilisé à Moronvilliers contenait :

99,35 % d’uranium 238;

0,63 % d’uranium 235;

0,01 % d’uranium 234

et des «traces» d’uranium 236, plutonium, américium et neptunium.

Le CEA a immédiatement banalisé cette révélation indiquant que ces éléments artificiels

représentaient moins de 1 % de la dose, qu’il s’agisse de la dose liée à l’irradiation externe ou à l’ingestion et l’inhalation. Pour plus de précisions sur les risques liés à l’uranium appauvri, voir

3 : «Uranium appauvri : la banalisation d’un déchet radioactif toxique» : de l’uranium appauvri utilisé pour la confection de munitions ou de blindages présentait une contamination en plutonium extrêmement variable, de moins de 0,8 Bq/kg à 130 Bq/kg. La présence de particules chaudes de plutonium, d’uranium 232 (qui génère des descendants très irradiants) ou d’uranium 236 exposerait les personnes contaminées à des risques considérablement accrus (de 2 ordres de

grandeur ou plus).

La CRIIRAD a demandé en réunion si l’uranium de retraitement utilisé à Moronvilliers pouvait contenir en outre d’autres radionucléides artificiels comme le technétium 99. Le CEA a répondu par la négative.

[2] Il est nécessaire que le CEA transmette une caractérisation complète de l’uranium appauvri utilisé à Moronvilliers avec la liste et l’activité massique de tous les radionucléides contenus dont le plutonium, l’américium, le neptunium et les produits de fission comme le technétium 99. En effet, les méthodes de surveillance de la contamination des travailleurs et de l’environnement doivent être adaptées aux différents polluants recherchés. La même question se pose d’ailleurs pour le site de Vaujours qui a probablement utilisé de l’uranium de même nature.

 

Nature des matières utilisées par le CEA à Moronvilliers : le tritium

D’autres substances radioactives ont été utilisées dont le tritium, isotope radioactif de l’hydrogène.

En réunion, la CRIIRAD a rappelé qu’en 1976, le CEA avait effectué une expérience mettant en jeu 7 400 milliards de becquerels de tritium et a demandé que le CEA confirme le nombre d’expériences mettant en jeu du tritium et les quantités utilisées.

Le CEA a indiqué que des réponses seraient apportées lors d’une prochaine réunion.

La période physique du tritium est de 12,3 ans, c’est-à-dire qu’il faut attendre 12,3 ans pour que

sa radioactivité soit divisée par 2. La question du tritium est d’autant plus pertinente qu’un ancien travailleur du site nous a indiqué, hors réunion, que du tritium avait été utilisé à Moronvilliers, y compris dans les années 2000. Une partie du tritium rejeté dans l’environnement est susceptible d’être métabolisé par les végétaux et incorporé à la chaîne alimentaire sous forme de tritium organiquement lié. Le tritium se retrouve alors dans l’ADN des cellules humaines où il se substitue à l’hydrogène. Les effets sanitaires liés à l’incorporation du tritium seraient sous-évalués selon certains scientifiques.

(3] Il est nécessaire que le CEA transmette un descriptif des expériences réalisées à Moronvilliers mettant en jeu du tritium, avec les dates de ces expériences, leur nature, les lieux exacts, les quantités utilisées, la nature et le résultat des contrôles effectués sur les eaux de pluie, eaux de surfaces et souterraines, les végétaux et les personnes exposées à ces essais.

 

S’appuyant sur un rapport du CHSCT du CEA , la revue Damoclès N°60 indique : «Le 8 novembre 1976 on a réalisé à Moronvilliers une expérience ../.. pour confirmer l’existence d’un rapport constant entre la contamination atmosphérique et celle qui est fixée par les plantes lors d’une émission d’eau tritiée». «L’expérience qui a eu lieu sur une étendue herbeuse, a consisté en une pulvérisation d’eau tritiée d’une activité de 200 Curies»

 

Nature des matières utilisées par le CEA à Moronvilliers : substances non radioactives

Le CEA a également utilisé des métaux non radioactifs mais dont la toxicité n’est pas négligeable, comme le plomb et des explosifs chimiques dont la composition n’est pas détaillée.

[4] Il est nécessaire que le CEA précise les quantités de plomb et autres métaux non radioactifs

mises en œuvre à Moronvilliers, et la nature et la composition des explosifs chimiques,

les lieux et modalités des expériences et la nature et les résultats des contrôles effectués.

 

Déroulement des tirs effectués par le CEA à Moronvilliers :

En réunion, le CEA a indiqué que les tirs ont été effectués en zone Z5 dans une centaine de puits

creusés dans la craie à une profondeur de 20-25 mètres et également à l’air libresur les secteurs Z1, Z2 et Z3. Au cours de la réunion, le CEA a confirmé que 2,7 tonnes d’uranium étaient encore présents sur le site en particulier dans ces puits.

La CRIIRAD a demandé que le nombre total de tirs et la masse totale d’uranium soient précisés.

Le CEA a indiqué que ces éléments seraient fournis lors d’une prochaine réunion.

[5] Il convient que le CEA précise les quantités d’uranium, de béryllium et autres substances toxiques utilisées lors des tirs en puits et lors des tirs à l’air libre, ainsi que les lieux et dates de ces essais et la quantité de matière éventuellement récupérée après chaque tir.

 

Evaluation de l’impact via le milieu aquatique :

Les essais réalisés sont susceptibles d’entrainer une contamination des eaux par le lessivage des matériaux radioactifs enfouis dans les puits (a priori 2,7 tonnes d’uranium seraient encore présents sur le site) et du fait de la contamination des sols suite aux tirs à l’air libre.

En effet, même si des personnels étaient affectés à la récupération des fragments d’uranium après les tirs à l’air libre, il est certain que tout l’uranium issu des retombées n’a pas été récupéré. Le CEA a présenté en réunion une carte indiquant l’emplacement des zones de pollution des sols par l’uranium, avec des valeurs maximales atteignant 7 g/kg en Z1. Une contamination en uranium appauvri de 7 g/kg correspond à environ 87 500 Bq/kg pour le seul uranium 238 soit une valeur plus de 2 000 fois supérieure à la normal. L’activité totale, tenant compte des descendants de l’uranium 238 et de l’uranium 235 est environ 4 fois supérieure.

En réunion, le CEA a indiqué que l’uranium retombé au sol n’avait pénétré qu’à quelques dizaines de centimètres dans le sol. Monsieur Damien Girard, maire de Pontfaverger et monsieur Chareyron (CRIIRAD) ont indiqué en réunion que dans sa thèse de 2005, Mme Amélie Hubert

écrit : «Le CEA dispose d’un centre en Champagne (le Polygone d’Expérimentation de Moronvilliers) sur lequel ont été effectués, depuis une quarantaine d’années, des tests de

détonique. Ces expérimentations ont conduit à la dispersion sur le sol d’uranium technogénique ../..Le front de migration de la contamination a atteint une profondeur inférieure à 10 m,

pourtant une faible partie a déjà atteint la nappe 40 mètres plus bas». Par ailleurs, des déchets contaminés par de l’uranium ont été enterrés dans des fosses, d’autres déchets sont au fond d’une centaine de puits. Des transferts d’uranium vers la nappe peuvent donc s’effectuer via ces matériaux enfouis. En réponse à une question de la CRIIRAD, à propos des eaux de lavage

contaminées, le CEA a indiqué en réunion que les effluents liquides étaient filtrés avant rejet, mais n’a pas apporté de précisions sur l’efficacité de la filtration, le niveau de contamination éventuelle des eaux traitées et la localisation des zones de rejet.

En marge, des témoins ont indiqué à la CRIIRAD, hors réunion, que la profondeur de certains puits pouvait atteindre 40 m et plus.

 

"Amélie Hubert, Institut de Physique du globe de Paris, Spécialité Géochimie, Thèse intitulée «

Déséquilibres des séries de l’uranium dans les aquifères : quantification des mécanismes de transport de l’uranium et de ses descendants. Cas de l’aquifère de la craie (Champagne, France)

» et soutenue le 28 septembre 2005. Cette thèse était co-dirigée par monsieur Eric Pili du CEA-DAM de Bruyères-le-Chatel.

En marge de la réunion, un ancien travailleur du site nous a indiqué que chaque zone de tir disposait d’un puisard pour rejet des eaux de lavage.

[6] Il est necessaire que le CEA précise les modalités de traitement et de rejet des effluents liquides : méthode de traitement, modalités de contrôle, seuils de référence, localisation des puisards ou autres zones de rejet, résultat des contrôles de la pollution radiologique et chimique sur ces secteurs.

Le CEA a indiqué en réunion que le suivi effectué entre 2005 et 2015 sur l’ensemble des

piézomètres implantés sur le site, indiquait une concentration en uranium ne dépassant pas

10 μg/l. Un des piézomètres présente une concentration en uranium stable au cours du temps (5 μg/l) et dont l’origine est naturelle, selon le CEA. Pour d’autres ouvrages, l’analyse isotopique indique qu’il s’agit d’uranium appauvri lié aux tirs.

[7] Il est nécessaire que le CEA transmette copie du plan d’implantation de l’ensemble des

piézomètres, leurs caractéristiques (profondeur, niveau d’eau) et les résultats détaillés et complets du suivi effectué depuis la date de son commencement (uranium total, isotopie de l’uranium, plutonium, tritium, pH, conductivité, anions et cations, métaux lourds) ainsi que la copie des études hydrogéologiques permettant de renseigner les sens d’écoulement et les caractéristiques hydrodynamiques.

Le CEA a indiqué en réunion que, selon ses modélisations, effectuées avec des «hypothèses majorantes», les transferts d’uranium via les cours d’eau de la ferme de Vauroisy, de la Noue des Vins et à Pontfaverger, la concentration en uranium resterait inférieure à 3 μg/l après 2

000 ans.

[8] Il est nécessaire que le CEA transmette copie des études qui lui permettent de modéliser le transfert, vers les nappes et cours d’eau, de l’uranium contenu à la surface des sols, dans la centaine de puits de tir et dans toutes les zones où des déchets contaminés ont été enfouis. Il s’agira de vérifier si le CEA tient compte des phénomènes de fracturation de la craie et des passages préférentiels qu’elle peut présenter dans des zones présentant des hétérogénéités, d’autant que le massif de craie a été fracturé par les activités humaines (bombardements durant la guerre, forage de puits par le CEA, tirs du CEA, etc.)

Le CEA effectue des mesures semestrielles d’uranium dans des cours d’eau du secteur en particulier la Suippe qui coule en direction de Pontfaverger au Nord et la Vesle qui coule au sud et traverse ensuite la ville de Reims. Le CEA a indiqué qu’il n’y avait pas d’eau de surface sur le site.

Des contrôles sont effectués également au sud, à la source de la Prosne et au nord-ouest, à la

source du Moncet (secteur d’Epoye).

En 2007, suite à une demande de la CRIIRAD, le DSND avait communiqué les résultats de ces analyses pour la période 2004-2006. Les niveaux d’uranium étaient compris entre 0,16 μg/l et 0,67 μg/l. On observait, pour certaines campagnes de mesure, environ deux fois plus d’uranium dans la Vesle, en aval du site, par rapport à l’amont.

En réunion, le CEA a indiqué que les analyses isotopiques effectuées (mais non rendues publiques pour l’instant) permettaient d’affirmer qu’il s’agissait d’uranium naturel.

On notera que la Vesle est relativement éloignée du PEM et que des cours d’eau comme la

Noue des Vins qui s’écoule au nord en direction de Pontfaverger devraient être suivis en priorité. Or aucun résultat portant sur la Noue des vins ne nous a été communiqué. En réunion, le conseiller général du canton de Mourmelon Vesle et Monts de Champagne, a demandé par ailleurs que d’autres sources soient suivies à l’est du site.

[9] Il est nécessaire que le CEA transmette copie du plan d’implantation de l’ensemble des

points de contrôle des eaux de surface et les résultats détaillés et complets du suivi effectué depuis la date de son commencement (uranium total, isotopie de l’uranium, plutonium, tritium, pH, conductivité, anions et cations, métaux lourds).

[10] Il est souhaitable que le CEA effectue une surveillance des eaux de surface et souterraines sur l’ensemble des secteurs en aval hydraulique.

En ce qui concerne le milieu aquatique, le CEA a indiqué effectuer un suivi sur les eaux, mais l’uranium et d’autres substances toxiques sont susceptibles de s’accumuler dans certains compartiments de l’environnement aquatique comme les sédiments, végétaux aquatiques et faune aquatique.

[11] Il est nécessaire que le CEA transmette copie des mesures qu’il a pu effectuer dans le passé sur les sédiments, végétaux aquatiques et sur la faune aquatique depuis la date de commencement des essais. Si aucune mesure de ce type n’a été effectuée, une campagne spécifique doit être mise en œuvre.

Les valeurs de concentrations en uranium et durées sont données ici à titre indicatif car, depuis la salle, les indications portées sur les graphiques présentés par le CEA étaient difficilement visibles.

En ce qui concerne les sédiments, des carottages effectués dans le lit des cours d’eau potentiellement impactés ou sur les berges inondables, doivent permettre de retracer l’historique des impacts, en particulier en ce qui concerne les isotopes de l’uranium, du plutonium, le tritium organiquement lié, et les métaux lourds.

 

Evaluation de l’impact via l’atmosphère :

Lors des tirs, les fines poussières contenant en particulier de l’uranium, du plutonium, du béryllium, du plomb ont pu se disperser à grande distance.

Actuellement, même si le site n’est plus en activité depuis 2013, les activités de

dépollution et démolition sont susceptibles de conduire à la remise en suspension de poussières à partir des sols et surfaces contaminées. En outre, des incidents, par exemple des incendies, peuvent favoriser la dispersion de fines poussières.

Le CEA a indiqué en réunion que le suivi des poussières atmosphériques effectué actuellement sur le site ne montrait aucune présence d’uranium ou de béryllium supérieures aux limites de détection.

(12] Il est nécessaire que le CEA fournisse la carte d’implantation de ses stations de surveillance de la qualité de l’air, décrive les modalités de surveillance, la sensibilité de mesure et fournisse les résultats détaillés de ses contrôles depuis que la surveillance a été mise en place.

Il nous a été rapporté hors réunion, par un habitant de la commune de Pontfaverger, qu’un incident aurait eu lieu dans les années 78-80. Du fait d’un brusque changement de direction des vents, les masses d’air contaminées à l’issue d’un tir à l’air libre se seraient dirigées en direction du village de Pontfaverger où elles auraient stagné quelques heures.

[13] Il est nécessaire que le CEA précise les consignes qui étaient appliquées lors du déroulement des tirs à l’air libre pour limiter l’exposition des riverains, donne des précisions sur les incidents de tir et effectue une évaluation par modélisation des doses qui ont pu être reçues par les riverains du fait de l’immersion dans le panache et suite aux dépôts de poussières sur le sol et des transferts ultérieurs via la chaîne alimentaire.

 

En ce qui concerne le contrôle de la contamination des sols, le CEA a indiqué que les mesures effectuées à l’extérieur du site donnaient des teneurs en uranium de 0,7 à 2,5 mg/kg correspondant au fond géochimique c’est-à-dire à une situation naturelle.

[14] Il convient que le CEA transmette les résultats détaillés des campagnes de surveillance de la

contamination des sols hors site : carte d’implantation des points de contrôle et résultats détaillés

incluant, pour l’uranium, les rapports isotopiques. Si les mesures effectuées par le CEA portent sur le sol brut, il convient de les compléter par des mesures sur la fraction fine.

(5] Il est souhaitable en outre que soient réalisées des campagnes de mesure portant sur les

bioindicateurs atmosphériques et, pour les villages proches, sur la teneur en uranium dans des matrices pertinentes (aiguilles de pin, cernes des arbres permettant de reconstituer les niveaux de contamination des cinquante dernières années).

 

Evaluation de l’impact via la chaîne alimentaire :

Qu’il s’agisse des transferts par voie aquatique ou par voie atmosphérique, le CEA n’a pas donné de résultats d’analyses portant sur chaîne alimentaire (sanglier, champignons, etc.)

[16] Il est nécessaire que le CEA transmette les résultats détaillés des campagnes de surveillance de la contamination de la chaîne alimentaire incluant en particulier le gibier et les champignons : carte d’implantation des points de contrôle et résultats détaillés incluant, pour l’uranium, les rapports isotopiques.

Note : il sera utile de compléter ce compte rendu préliminaire en rajoutant la question de l’exposition et du suivi des travailleurs ainsi que les modalités de caractérisation et de gestion des déchets solides évacués vers l’ANDRA et des déchets éliminés en filières conventionnelles.

 

Rédaction : Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD.

Contact : bruno.chareyron@criirad.org