Publié le lundi 13 juillet 2009 par le journal L'union
Caché au milieu de 500 hectares, le centre d'expérimentation ne communique guère sur son départ.
Christian Lantenois
DEPUIS plus d'un demi-siècle, le polygone d'expérimentation de Pontfaverger-Moronvilliers, centre de recherche du commissariat à l'énergie atomique (CEA) rattaché à la Dam (Direction des
applications militaires) Ile-de-France, étudie « à froid » le fonctionnement de l'arme nucléaire.
Caché au milieu de 500 hectares près d'une zone classée rouge, tant elle a été bombardée durant la Première Guerre mondiale (le village de Moronvilliers a d'ailleurs été carrément rayé de la
carte), le centre d'expérimentation, traditionnellement pas très bavard sur toutes ses activités, ne semble pas plus enclin aujourd'hui à communiquer sur son départ. Et pourtant, le maire de
Pontfaverger, Francis Rannou, en est sûr aujourd'hui : « Le centre devrait fermer à l'horizon 2011-2015. Je le sais de source bien informée. J'ai demandé un planning aux responsables car il y
a des tas de choses à régler, j'attends toujours ». Pour plusieurs raisons.
Site pollué
Si le centre d'expérimentation atomique ne rapporte fiscalement pas un centime d'euro à la commune, bien qu'elle ait tenté au sein d'une association nationale d'en réclamer, il emploie plus
de 120 personnes (avec une masse salariale qui atteindrait les 3M €) ; et des dizaines de sous-traitants des villages environnants y font une partie de leur chiffre d'affaires. À ce titre, la
fermeture du site n'est pas une bonne nouvelle.
Pas moins graves, les inquiétudes du maire quant au devenir du site une fois fermé. À Moronvilliers, où ont déjà eu lieu les premiers essais nucléaires en 1958 pour le
programme de la bombe atomique, on craint fort que le sol ait été très contaminé depuis. Pour faire les expérimentations, photographier au milliardième de seconde avec un
générateur, accélérateur de rayon X presque unique au monde, comment réagissent les matériaux contenus dans les armes nucléaires (uranium) au moment de la mise à feu, les scientifiques
provoquent des explosions chimiques avec des matériaux inertes. S'ils effectuent des recherches détoniques en procédant à des tirs à l'air
libre avec des matériaux simples (acier, verre, aluminium etc.), ils réaliseraient aussi des tirs plus discrets confinés dans des enceintes métalliques blindées avec des
matériaux moins neutres, en clair, des matières fissiles très cancérigènes (béryllium, tritium, plutonium). D'où des mesures particulièrement pointues pour récupérer, stocker
et évacuer les morceaux après explosion, nettoyer l'enceinte et traiter ensuite les eaux de lavage.
« Nous avons peur que les eaux de la commune venant des nappes phréatiques de ce plateau soient un jour contaminées », redoute le maire. « On voudrait avoir
la garantie que des analyses (coûteuses) seront faites et prises en charge par le CEA, que le site sera dépollué. »
Par ailleurs, le maire est un peu révolté. « Le centre de recherches bénéficie de la fibre optique. La ligne téléphonique de la commune passe à un mètre, on ne veut pas nous la mettre. De
plus, le CEA est en train d'installer une impressionnante barrière de protection électronique autour du site qui coûterait 4,5M €. Pourquoi ? »
Et puis, juste à côté du polygone, plusieurs centaines de tonnes d'obus de la Première Guerre sont stockées sans beaucoup de protection sur un site passoire où il n'est pas rare de voir des
collectionneurs et des enfants !
Même si tout cela se passe à 7 km du centre de Ponfa, les anciens se souviennent déjà d'une terrible explosion au CEA qui avait fait exploser la rosace de l'église au début
des années soixante-dix. À la veille du 14 juillet, ils n'aspirent pas à connaître, demain, un feu d'artifice d'obus cette fois !
Alain MOYAT